Bradley Smith a beau avoir réalisé une fort belle saison en 2015, il s’est clairement senti concerné par les déclarations assez explicites de Lin Jarvis et Hervé Poncharal envers les titulaires du team tech3; quatre années, c’est déjà beaucoup dans ce qui a vocation à être un Junior team MotoGP!
Du coup, ni une, ni deux, le pilote britannique s’est tourné vers l’Autriche et ses machines orange pour assurer ses arrières, et ce, très tôt dans la saison.
Nous avons recueilli les commentaires d’Hervé Poncharal, son team manager et néanmoins ami.
Hervé Poncharal, après six années passées ensemble, voir Bradley Smith partir chez Ktm, qu’est-ce que cela vous fait?
Hervé Poncharal: « C’est comme à l’époque de Cal Crutchlow,
et je pourrais quasiment dire mot pour mot ce que j’avais dit
à l’époque; oui, ça nous fait un petit pincement au cœur, parce
que, oui, il y a des relations humaines d’amitié forte qui se sont
crées pendant ces six années (2 en Moto2 et 4 en MotoGP) avec
Bradley.
Il a vraiment évolué sur le plan humain et s’est donné à fond, il a
joué le jeu, il a été un vrai ‘team player’, il nous amené de très
beaux résultats puisque les deux derniers podiums de Tech3, c’est
lui, la place de premier non-usine, c’est lui, il a toujours joué
le jeu pour tout ce qui est médiatique et marketing. Il a vraiment
joué le jeu Tech3 à bloc, sur la piste et hors piste. Donc, oui,
c’est toujours un petit peu triste quand l’aventure s’arrête.
Mais d’un autre coté, le fait que notre profil est d’être un
team junior, le fait qu’on ait pris Bradley, comme lui-même l’a
signalé à beaucoup de médias, quand il était 4, 5, ou 6ème,
je ne sais plus exactement, en 125cc, nous a amené beaucoup
de moqueries. On s’est foutu de nous quand on l’a pris, parce qu’il
était considéré comme un gars besogneux mais pas doué.
Puis en Moto2, dès sa première saison, on était 3ème au championnat
après le Mugello; il a fait des podiums, les derniers avec la
Mistral.
Ensuite, quand on l’a amené en MotoGP, là on nous a carrément
dit « vous êtes des fous furieux ! Il y a des gens
beaucoup plus talentueux que lui et qui méritent beaucoup plus
cette place ».
Puis, quand on l’a gardé, on a été la risée de tous.
Au final, ce n’est pas Lorenzo, mais je pense qu’on a fait un
parcours très honnête, et la preuve, c’est qu’aujourd’hui une usine
l’a signé avant la première course.
Donc, c’est un petit pincement au cœur, mais c’est aussi une fierté car, quelque part, notre but est de prendre des jeunes pilotes qui sortent du Moto2 et de les amener à avoir un profil et un potentiel qui fait que les usines les engage.
On l’a vécu avec Ben Spies, même s’il était déjà un peu usine,
on l’a vécu avec Cal quand il a signé chez Ducati, et dieu sait
qu’on a beaucoup discuté pendant tout l’été pour peser le pour et
le contre, jusqu’au moment où je lui ai dit « vas-y Cal,
tu vas avoir une usine derrière toi », et on le vit
aujourd’hui avec Bradley.
Et c’est le même discours; même si la machine est possiblement plus
performante chez Tech3, sa moto ne sera pas figée, elle sera en
pleine évolution, et les pilotes aiment aussi être écoutés par des
ingénieurs et voir que ce qu’ils demandent arrive quelque temps
plus tard. Ils sont bien sur des pilotes, mais ils ont aussi des
ingénieurs et des techniciens qui bossent en développement. Et ça,
ça les excitent! Surtout Bradley, c’est vraiment quelque chose qui
lui plaît!
Je suis donc fier et heureux pour Bradley de lui avoir donné cette opportunité là, et de l’avoir amener au stade ultime, c’est à dire pilote d’usine en MotoGP. »
Ne risque-t-il pas de se lasser, si la moto n’est pas compétitive ?
Hervé Poncharal: « Regardez l’Aprilia. Elle en est
seulement à sa troisième sortie et, en vitesse de pointe, elle fait
jeu égal avec nos machines. Evidemment, il y a encore beaucoup de
travail à faire dessus, une homogénéité à trouver dans la moto,
mais je considère qu’elle est bien née.
Ils ont découvert la moto il y a un mois sur la piste et,
visiblement, le moteur pédale bien.
Il faut juste leur donner un peu de temps mais je pense qu’elle est
bien née. Bautista n’a pas fini dernier au Qatar, il se battait
avec Miller et Laverty, devant Rabat.
Donc, quand vous voyez là où ils sont, avec des moyens moins
importants et avec moins de feedback que tout le service course
Ktm, on peut penser qu’avec leur puissance de feu, la Ktm ne sera
pas mal…
Il y a des grosses pointues qui bossent dessus au niveau technique,
ils ont des moyens très importants, car la marque en général
fonctionne bien, ils ont leur partenaire Red Bull qui va être a
fond derrière eux, et ils ont un gros programme d’essais qui est
hyper sérieux.
La grosse problématique, dans le passé, c’était l’électronique. Là,
ils vont avoir la même que les autres, juste à l’adapter.
Ils sont propriétaires de WP et peut-être que ça peut faire comme
en Moto2. Aujourd’hui, il y a uniformisation en MotoGP, parce que
tout le monde roule avec des Öhlins , mais eux peuvent faire du bon
boulot aussi.
Alors bien sûr, la moto ne va pas gagner dès la première année, mais je suis persuadé qu’elle sera compétitive. Ce sont des gens sérieux qui font jeu égal avec Honda en Moto3, qui brillent au Dakar malgré le HRC, et tout ce qu’ils font, ça marche. Et aujourd’hui, le programme numéro 1, chez eux, c’est le MotoGP; je suis sûr que ce sera un nouvel acteur très intéressant et très performant! »