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Parlons MotoGP Brad Binder

Ils n’ont pas chômé durant cette saison 2023. Pendant l’hiver, « Parlons MotoGP » va se pencher sur chacun des engagés de cet exercice, et dresser le bilan ; aujourd’hui, au tour de Brad Binder, bon parmi les bons. A-t-il réussi ? A-t-il échoué ? Pouvait-on en attendre davantage ? L’heure est à l’analyse. Bien sûr, vous êtes invités à donner votre avis en commentaires, car celui-ci compte énormément. Hier, nous sommes revenus sur Johann Zarco, dans un article que vous pouvez retrouver en cliquant ici.

 

Justesse

 

Brad Binder est un sujet passionnant. En quelque sorte, il incarne un nouveau courant lié à la modernisation du MotoGP, qui fait percer des pilotes plus explosifs que jamais. Mais pour autant, il est intéressant de voir la différence d’approche entre le Sud-Africain et Pecco Bagnaia, meilleur au guidon d’un prototype de 1000cc. Sa saison n’est pas si facile à décrypter, car il reste une interrogation majeure en rapport avec son employeur, KTM, qui, aussi, jouit d’une vision tout à fait singulière.

Selon moi, toute la question se résume ainsi : Brad Binder attaque-t-il trop pour compenser un matériel en retard face aux Ducati, ou, à l’inverse, bénéficie-t-il d’une moto au point, mais qu’il ne sait pas faire marcher autrement qu’en forçant ?

Pour nourrir ces deux thèses, voici quelques arguments concentrés en plusieurs points.

 

OVNI

 

Binder s’est métamorphosé en 2023. Avant, il était un pilote beaucoup plus conservateur et régulier, souvent client au top 5 mais jamais capable de grandes percées. On aime attribuer l’explosivité et le panache à Brad Binder, mais en 2022, ça n’était jamais le cas. Sa première victoire était tout sauf un coup de sang, construite du début – quelque peu inexplicable d’ailleurs, et sa deuxième un succès circonstanciel en Autriche – beau, mais circonstanciel quand même. Hormis cela, il parvenait, au contraire de Miguel Oliveira, à faire marcher la KTM RC16 sur différents type de tracés, sans pour autant gagner.

 

Parlons MotoGP Brad Binder

Pur talent. Photo : Michelin Motorsport

 

Lors de la campagne passée, en revanche, c’était tout à fait différent. Comme Luca Marini, il a pris à son avantage le nouveau format pour essayer d’attaquer davantage, d’être plus rapide. Alors, ça n’a pas toujours fonctionné comme nous le verrons plus tard, mais il faut dire qu’à défaut d’être très efficace, ça a été impressionnant. Jerez, ce duel avec Jack Miller en Sprint, la Thaïlande, cette joute monstrueuse avec Pecco Bagnaia et Jorge Martin, et surtout, exploit parmi les exploits, la remontée fantastique lors du Sprint en Argentine, l’un des moments forts de l’année. Pour résumer, on pourrait dire qu’il a été plus près de la tête en 2023 à défaut d’avoir remporté un Grand Prix. Il ne compte « que » deux victoires en Sprint, certes, mais se tourne dans la bonne direction, celle qu’il faut prendre pour remporter le titre mondial.

 

L’exécution n’y était pas

 

Dans l’absolu, il a été meilleur qu’en 2022 car il est mieux classé (quatrième contre une sixième place). Son approche a été récompensée. Mais en revanche, il donne l’impression qu’il en a trop demandé. Avec Marc Marquez, il est celui dont le nom est le plus souvent revenu dans la bouche des autres pilotes en raison de ses dépassements musclés. Franchement, j’ai du mal à me rappeler d’une seule manœuvre propre de Binder l’an passé, c’est terrible. En Andalousie, Bagnaia allait plus vite sans perdre une once de délicatesse tandis que Brad était en équerre dans tous les virages. Chaque course, il pousse, force le passage, en travers, sans que cela soit efficace pour un sou ! Forcément, cela se répercute sur son bilan ; il fut déclassé à trois reprises (!), deux fois à Assen, et une fois en Thaïlande, pour dépassement des limites de piste dans le dernier tour.

Revenons-en à la question initiale : n’est-ce pas là sa monture qui l’oblige à se conduire de la sorte ? Je veux bien que la KTM RC16 soit difficile à piloter, et que l’on ait aucun point de comparaison récent sérieux (Miller ne joue pas dans la même cour). Mais Dani Pedrosa, à Jerez et à Misano, a prouvé qu’il était possible d’allier calme et vitesse à son bord. Et puis, ces blockpass grossiers au possible ne dépendent pas de la moto ; le pilote peut choisir d’attendre et de ne pas toucher l’adversaire, quand même.

 

Un défaut

 

Parlons MotoGP Brad Binder

KTM devrait lui donner un coéquipier plus fort. Il n’a jamais été vraiment challengé par un voisin de box au talent proche. Photo : Michelin Motorsport

 

J’en avais déjà fait un article complet peu avant la mi-saison, mais la paire Binder/KTM n’a toujours pas trouvé de remède à la maladie des qualifications. C’est, principalement, ce qui le différencie d’un Martin ou d’un Bagnaia. L’introduction des courses Sprint requiert une discipline exemplaire le samedi. Fabio Quartararo, à Misano, stipulait que le week-end était déjà mort si la Q2 n’était pas atteinte. Et face à des monstres, quand on joue le titre, il ne faut pas juste aller en Q2, il faut faire la pole.

Brad Binder n’en compte toujours aucune en MotoGP, d’une part, mais ne montre pas le moindre signe de progression dans le domaine. Luca Marini, auparavant conservateur comme lui, a pu gagner de la vitesse sur un tour. Il ne compte qu’un seul meilleur tour en course sur sa campagne, c’est juste trop peu. Ici, il est difficile de dire si c’est plutôt lui ou la KTM d’usine, car encore une fois, il n’a jamais connu de coéquipier à l’aise le samedi. Miller est standard dans cet exercice, tout au plus, et c’était aussi l’un des gros défauts de Miguel Oliveira en carrière. Un Pol Espargaro vieillissant avait fait mieux que lui en 2020, mais c’était son année rookie, donc encore une fois, pas comparable.

 

Conclusion

 

Vous l’aurez compris, la saison de Brad Binder est difficile à lire. Très personnellement, il m’a plus énervé qu’impressionné car j’ai beaucoup de mal avec les pilotes qui ne respectent pas l’art du dépassement. Globalement, j’ai cette légère impression de gâchis, car je continue de penser qu’il a le talent pour viser le titre. Mais actuellement, il est loin, si loin de Bagnaia en termes de pilotage, d’approche, de vitesse, de régularité dans la performance… Sa mue est là, très bien, mais elle n’a pas tant payée, du moins pas autant que je l’espérais. D’ailleurs, cela se traduit aussi dans son bilan comptable. Avec 293 points, il marque 40,2 % des points disponibles contre 37,6 % l’an passé.

Pour conclure, je dirais qu’il n’a pas tant progressé, mais qu’il a changé, qu’il est tout de même plus en accord avec le MotoGP moderne qu’avant. Il faut imaginer 2023 comme une année de transition pour lui, d’autant qu’il est encore jeune. Passons à la note. Au vu du contexte et de son talent sans limite, je ne peux lui attribuer l’une des meilleures car il a beaucoup vendangé toute l’année durant. Mais il a tout de même offert de belles images et sa performance en Argentine lui vaut de grimper dans le classement. J’avais attribué 15/20 à Aleix Espargaro, je pense qu’un autre 15/20 ne serait pas démérité pour Brad Binder. Espargaro est plus loin, d’accord, mais compte deux victoires le dimanche, une en Sprint, avec une moto moins forte sur toutes les pistes et a moins déçu.

Vous pensez peut-être que ce que j’ai écrit n’est pas en accord avec la bonne note attribuée, mais c’est juste que le talent de Binder est identifié depuis longtemps ; je sens son plafond beaucoup plus élevé que ça.

Qu’en pensez-vous ? Dites-le moi en commentaires !

 

Il a régalé en Sprint, ce comeback en Argentine était fou. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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